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La formation des enseignants, débat entre Harold Bernat et François-Xavier Bellamy

La France a beau, chaque année, investir un budget de plus de 50 Mds€ dans l’Education, rien n’y fait : les résultats scolaires des élèves français plongent tandis que l’écrasante majorité des enseignants déplore que leur mission soit dévalorisée. D’où vient cette crise de la transmission et de la profession qui n’en finit pas et comment y remédier ? Deux écrivains et professeurs de philosophie, Harold Bernat et François-Xavier Bellamy, ont échangé leur vision lors de la 2e édition du Salon Libsco d’octobre dernier, organisé par la Fondation pour l’école.

Voir ou revoir la conférence ici.

Un divorce entre le savoir et la pédagogie ?

Bernat et Bellamy se rejoignent quand, parlant de leurs expériences de professeur, ils affirment que c’est l’amour du savoir qui est la condition et la source d’une bonne pédagogie. Or, tous deux font le même constat : les techniques pédagogiques semblent avoir détrôné le primat du savoir et il ne s’agit plus tant, en classe, de transmettre une culture que de maîtriser et valider des compétences. C’est de ce divorce et de cette inversion entre pédagogie technicienne et culture que découle, notamment, disent-ils, la crise de l’éducation. « Il faut remettre l’amour du savoir au centre de toutes les discussions sur l’école et il faut en finir avec cette logique hyper technicienne » déclare Bernat tandis que Bellamy ajoute que c’est la « passion pour le savoir qui appelle le transmission ». Car pour les deux écrivains, enseigner est d’abord un désir qui naît chez l’enseignant, qui doit être nourri par l’étude de sa discipline, et encouragé par une institution.

Un divorce entre le corps professoral et la technostructure ?

Mais, poursuivent-ils, on a le sentiment que l’institution se méfie de ces enseignants qui font du savoir le cœur de leur mission. Bernat dénonce une logique « économétrique cynique » sur laquelle repose la formation des professeurs qui, désormais, n’ont plus le loisir d’acquérir une culture perçue, peut-être, par la technostructure, comme une menace plus ou moins dissidente. Et Bernat de conclure que « faire mon travail aujourd’hui, c’est lutter contre une institution ». Bellamy quant à lui dénonce la fracture qu’il existe entre la formation des enseignants et la réalité professionnelle qu’ils vivent dans les classes. « Si beaucoup de professeurs vont mal, dit-il, c’est parce qu’on leur demande de devenir les complices d’un mensonge. Il faut se prêter au jeu de la fiction, ne pas briser le discours officiel dont tout le monde sait qu’il n’a pas de sens. »

Quels remèdes ?

Bellamy insiste sur la question de l’évaluation juste des professeurs qui appelle encore une solution pratique. Quant à la question de la formation des professeurs, il prend l’image de l’artisanat et du compagnonnage où les professeurs pourraient acquérir de façon empirique une sagesse pratique dans l’art d’enseigner. Bernat parle également de l’importance de se former grâce à une autoanalyse de ses pratiques menée au sein d’une communauté de collègues. Et tous deux semblent finalement appeler de leurs vœux une situation où la formation des enseignants n’est pas clivée, séparée du déploiement de leur vie intellectuelle – une situation où l’institution donne aux enseignants le temps et la possibilité d’adopter un geste pédagogique libre et personnel, qui surgit d’un vrai désir de transmettre.

Maxence Quillon

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